Avec France Travail, le gouvernement se donne l'objectif du plein emploi en 2027

Publié le 05 juin 2023


Le gouvernement doit présenter ce mercredi en Conseil des ministres son projet de loi « plein emploi », qui va donner naissance à France Travail, le successeur de Pôle emploi. Mais les syndicats s'inquiètent pour les bénéficiaires de RSA qui, comme tous les inscrits, devront signer un contrat d'engagement au début de leur parcours.

 

Une seule porte d'entrée pour toutes les personnes en recherche d'emploi ou rencontrant des difficultés d'insertion, dont les bénéficiaires du RSA, c'est l'ambition portée par France Travail, l'organisme promis par Emmanuel Macron lors de sa dernière campagne. Sa naissance est prévue le 1er janvier 2024 et devrait être actée ce mercredi en Conseil des ministres. Pôle emploi s'appellera lui-même France Travail et sera l'opérateur en chef de ce réseau.

 

Pôle Emploi et l'ensemble des acteurs (missions locales, Cap emploi mais aussi collectivités...) devront mieux fonctionner en réseau avec des systèmes informatiques interconnectés.

Aujourd'hui, « les répartitions de compétences sont un peu complexes », a souligné jeudi Elisabeth Borne, entre l'Etat chargé de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, les régions de leur formation, les départements de l'insertion des bénéficiaires du RSA, les collectivités des enjeux de garde d'enfants ou de logement... « Il ne s'agit pas de faire un big bang institutionnel mais de jouer collectif », a-t-elle résumé.

Atteindre un taux de chômage autour de 5% en 2027

L'exécutif mise sur cette transformation pour atteindre le plein emploi, soit un taux de chômage autour de 5% en 2027 (contre 7,1% actuellement), avec en toile de fond l'idée que « personne n'est inemployable ».

Concrètement, chaque inscrit à France Travail signera un contrat d'engagement au début de son parcours. C'est dans ce cadre qu'un accompagnement rénové des allocataires du RSA est expérimenté dans 18 départements avec la question sensible des 15 à 20 heures hebdomadaires d'activité dans « une logique de droits et devoirs ».

Pas formellement inscrites dans la loi, ces heures (immersion, remise à niveau, rédaction de CV...) seront un objectif « adapté » à chacun, a précisé le ministre du Travail Olivier Dussopt, insistant sur le fait que ce ne sera « ni du travail gratuit, ni du bénévolat obligatoire ».

Il rappelle que le contrat entre l'allocataire et son conseiller « existe depuis la création du RMI en 1988 », mais qu'actuellement « sur 1,950 million de bénéficiaires du RSA, 350.000 n'ont aucun suivi ». Pour le ministre, « ce qui pêche, c'est l'accompagnement. On n'est pas quitte de notre devoir de solidarité quand on a versé 607 euros ». Le projet de loi réforme les sanctions pour les allocataires qui ne respectent pas leurs obligations. Il permettra désormais de suspendre temporairement le versement du RSA, avant une décision de suppression. La décision restera prise par le président du conseil départemental.

 Les syndicats s'opposent « à toute atteinte au principe de solidarité nationale avec la réforme du RSA »

Ce volet préoccupe les syndicats qui ont rappelé en intersyndicale « leur opposition à toute atteinte au principe de solidarité nationale avec la réforme du RSA ». Du côté de la CFDT, Marylise Léon a prévenu vendredi dans l'Humanité que la conditionnalité du RSA « est une ligne rouge ». Denis Gravouil (CGT) reproche au gouvernement de jouer sur le fait que « contrairement aux retraites », une partie de l'opinion pense qu'il faut « tomber » sur les allocataires du RSA.

Aujourd'hui, la radiation est « réservée à des cas très graves de fraude ou autre », dit-il à l'AFP. Là, ils veulent « des sanctions soi-disant graduées mais en fait beaucoup plus fréquentes, ce qui est inadmissible ». Parmi les 60% d'allocataires du RSA non-inscrits à Pôle emploi, « on retrouve des situations de handicap, des situations sociales extrêmement difficiles et c'est absurde de prévoir 15 à 20 heures d'activité ».

Si Jean-François Foucard (CFE-CGC) note « des plus-values opérationnelles », dont le fait que ce soit « plus fluide » pour les demandeurs d'emploi, il se dit aussi « très dubitatif dans le fait de sanctionner ceux qui sont les plus abimés ». Pour renforcer l'accompagnement, il y aura « des moyens supplémentaires », a assuré Olivier Dussopt, rappelant que le rapport préfigurant la réforme avait chiffré son coût « entre 2 et 2,5 milliards d'euros en cumulé jusque 2027 ». Mais cela passera aussi par des redéploiements de postes de Pôle emploi.

« Un projet flou, régressif et recentralisateur »

La gouvernance de ce réseau est aussi contestée. Régions de France a notamment dénoncé « un projet flou, régressif et recentralisateur ».

Les syndicats s'inquiètent également de la mise en place d'une nouvelle usine à gaz, peu opérationnelle. Thibault Guilluy, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises, et qui planche sur ce dossier depuis un an, s'en défend : « Je suis un entrepreneur, un opérationnel. Pas un technocrate. Les choses vont se mettre en place à partir du terrain, avec une approche pragmatique. Nous allons au contraire gagner en efficacité ... ». Il est d'ailleurs largement pressenti pour prendre la tête de ce nouvel organisme et succéder ainsi à Jean Bassere, l'actuel patron de Pôle emploi. Si Thibault Guilluy dément toute nomination prochaine, elle pourrait intervenir rapidement.

 

 

Améliorer l'emploi des personnes handicapées et celui des jeunes parents

Le texte vise à améliorer l'accès des personnes handicapées à l'emploi dans le milieu ordinaire et cesser de les flécher d'emblée vers des dispositifs spécifiques. Lorsqu'une personne recevra une reconnaissance du statut de travailleur handicapé (RQTH) accordée par une Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), celle-ci sera automatiquement transmise à France Travail. Les conseillers de France Travail recevront alors la personne pour déterminer son projet, ses besoins et l'environnement le plus adapté. Elle pourra être orientée vers une entreprise ordinaire, avec ou sans dispositif d'emploi accompagné, vers une entreprise adaptée ou vers le secteur protégé des Esat (établissements et services d'aide par le travail, qui relèvent du secteur médico-social). Les MDPH ne pourront plus orienter d'emblée la personne vers un Esat, mais seulement sur préconisation de France Travail. Le projet de loi se donne pour mission d'aligner les droits des travailleurs des Esat sur ceux des salariés ordinaires. Ils resteront toutefois à l'abri du licenciement.

Le projet vise par ailleurs à ce que la garde d'enfants ne soit plus un frein à la recherche d'emploi. Les communes de plus de 3.500 habitants deviendront « autorités organisatrices » de l'accueil du jeune enfant, avec comme mission de recenser les besoins, informer les familles et construire l'offre. Un guichet d'information et d'accompagnement des parents sera également mis en place dans toutes les villes de plus de 10.000 habitants. Le gouvernement veut créer 100.000 places d'accueil supplémentaires pour les jeunes enfants d'ici 2027, avec l'objectif d'aboutir à 200.000 d'ici 2030 - les jeunes enfants disposent actuellement de 458.000 places en crèche et 770.000 auprès d'assistantes maternelles.

Source : www.latribune.fr