Pour mémoire, l’application de la procédure de présomption de démission suite à un abandon de poste – exposée dans le dernier Passerelle Cadres – était subordonnée à la publication d’un Décret en Conseil d’État. Ce nouveau texte permet à l’employeur de mettre en demeure le salarié ayant abandonné son poste de justifier son absence et de reprendre le travail dans un certain délai (qui ne pourra pas être inférieur à un délai fixé par décret en Conseil d’État).
Les conséquences de cette présomption de démission pourront être lourdes pour le salarié si l’employeur décide d’utiliser ce nouveau dispositif, puisqu’il n’aura pas, aux yeux de la loi, involontairement perdu son emploi et donc ne bénéficiera d’aucune indemnisation chômage (à moins de pouvoir justifier d’un cas de démission reconnue légitime par l’assurance chômage).
Le recours à cette procédure n’est pas non plus sans risque pour l’employeur, car si les juges concluent que la présomption de démission ne peut pas être retenue, la rupture devrait logiquement être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec les conséquences financières que cela induira pour l’employeur. Avant d’utiliser cette procédure spécifique de mise en demeure, celui-ci devrait donc se demander s’il n’est pas préférable d’avoir recours à un licenciement pour abandon de poste.
À date, ce Décret n’est toujours pas paru, mais un projet a été présenté aux partenaires sociaux via la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle le 21 février, qui créerait au sein du Code du travail un nouvel article R. 1237-13. Ce projet prévoit qu’en l’absence de réponse du salarié au bout de quinze jours calendaires après “la première présentation” de la lettre de mise en demeure de l’employeur, le salarié sera considéré comme démissionnaire. Il s’agirait d’une mise en demeure “de justifier son absence et de reprendre son poste”. Cette mise en demeure pourrait être adressée par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharger (ce qui est pour le moins étonnant concernant un salarié absent...”) Le décret devait initialement être publié au Journal officiel fin mars 2023, avait fait savoir le Ministre du Travail, et la mesure doit “entrer en vigueur le lendemain de la publication du décret au Journal officiel, prévoit la notice du projet de texte, mais il semblerait que cette publication soit reportée de quelques semaines.
Dès le lendemain de la publication du décret au Journal officiel, il sera possible d’utiliser cette procédure et de mettre en demeure un salarié de reprendre son poste s’il l’a abandonné. Mais ce n’est qu’une possibilité. Rien n’interdira à l’employeur de préférer continuer de recourir au licenciement pour faute grave.
Un flou subsiste également sur la période “transitoire” : en effet, une mise en demeure antérieure à la publication du Décret produira-t-elle néanmoins ses effets à compter de la publication du texte au JO ?
En parallèle, une étude de la DARES a récemment précisé qu’au 1er semestre 2022, l’abandon de poste est le motif de rupture utilisé dans 71 % des cas (pour 173.000 contrats de travail rompus) pour faute grave ou lourde, loin devant des motifs tels que les violences, les comportements déloyaux, l’insubordination, le vol ou destruction de matériel, la consommation de drogues, ou les critiques, accusations ou dénigrements.
source : fieci-cfecgc.org