Climat. Le déploiement accéléré de l’intelligence artificielle pose des difficultés d’approvisionnement en électricité dans plusieurs régions du monde.
Je reviens du sommet sur l'énergie et l'IA organisé par l'AIE, et les décideurs, les entreprises, sont tous en mode PLS. Ils se demandent comment ils vont répondre aux besoins croissants en énergie ”. La confidence, recueillie à l'occasion d'un événement organisé début décembre par l'éditeur de logiciels société Salesforce, vient de Sasha Luccioni, l’une des 100 personnalités les plus influentes du monde de l’IA selon le magazine américain Time.
“Lors du congrès, les experts nous ont dit qu'ils s'étaient trompés dans l'évaluation des besoins en énergie", poursuit la scientifique. Les entreprises du secteur de la tech semblent elles aussi avoir sous-estimé les difficultés. En cinq ans, les émissions de CO2 de Google ont bondi de 48%, notamment en raison de l'IA. Ce n'était pas le plan prévu initialement. Pour assurer son développement, Microsoft a bien signé un contrat pour bénéficier de l'énergie nucléaire de la centrale - tristement célèbre - de Three Mille Island aux États-Unis. Mais le réacteur concerné ne sera opérationnel qu'en 2027 au plus tôt. Et les petits réacteurs modulaires de type SMR pourraient prendre encore plus de temps avant d'arriver sur le marché.
La réalité est cruelle : la disponibilité des infrastructures énergétiques n'est tout simplement pas compatible avec le déploiement accéléré de l’IA. "Jadis, pour répondre à des questions simples, on pouvait faire tourner des modèles très efficaces sans cloud sur un simple ordinateur, précise Sasha Luccioni. Mais désormais, on utilise l'IA dite générative pour tout. Or celle-ci s'avère trente fois plus gourmande en énergie. D'où un décalage mal anticipé entre les besoins en électricité et les ressources disponibles".
Faut-il des modèles plus frugaux pour certaines tâches ? Cela pourrait réduire la facture énergétique. Mais cela obligerait également les entreprises à choisir et intégrer plusieurs types de modèles. Une complexité supplémentaire. En attendant de pouvoir trancher, des tensions fortes apparaissent en Irlande ou dans certains Etats américains.
Et la France ? Julien Villeret, responsable de l’innovation chez EDF, relativise. “On saura répondre aux besoins grâce au nucléaire. On exporte aujourd’hui 10 TWh chaque jour vers d'autres pays européens. Il serait facile d’allouer cette électricité pour alimenter une dizaine de datacenters de grande taille “. La France semble donc épargnée à court terme. Mais attention à ne pas s'endormir. “Il y a aujourd’hui beaucoup de projets d’implantation de gros centres de données en Europe et en particulier en France”, prévient Julien Villeret. Qui ajoute : "le sujet aujourd’hui n’est pas tant la production d’électricité que le raccordement au réseau national. Plus le datacenter est gros, plus les tuyaux le sont aussi et plus l'installation prend du temps". Tôt ou tard, la France risque donc de subir, elle aussi, des goulots d'étranglement.
source: www.l'express