Votre employeur a tout à fait le droit de mettre en place des outils de contrôle supplémentaires lorsque vous travaillez à distance. Mais cette surveillance est strictement encadrée.L’été finit par pointer le bout de son nez. Avec moins de réunions et une charge de travail réduite, c’est l’occasion rêvée d’envisager le télétravail plus fréquemment. Une option que votre employeur pourrait d’ailleurs déjà vous avoir proposée. Et vous ne serez pas seul dans ce cas : les travailleurs franciliens sont eux aussi largement invités à travailler à distance cet été, Jeux olympiques obligent. Vous jetez ainsi votre dévolu sur le sud de la France pour vos «tracances», cette période de congés où vous mêlerez travail et escapade au bord de mer. Si la pratique est tout à fait autorisée, vous craignez que votre employeur ne puisse scruter le moindre de vos faits et gestes.
Il est très probable que ce soit d’ailleurs déjà le cas, du moins en partie. Car votre patron a le droit de consulter votre messagerie professionnelle, s’il estime cela nécessaire au bon fonctionnement de l’entreprise. «Par définition, les mails et fichiers reçus sur une boîte mail professionnelle ont un caractère professionnel. L’employeur a donc un droit de regard dessus», explique Elodie Cohen-Morvan, avocate spécialisée en droit du travail. A condition bien sûr de se limiter au cadre du travail. «Si l’objet du mail ou la discussion consultée par l’employeur est clairement identifié comme personnel, il ne peut légalement pas les consulter sans votre accord préalable», détaille l’experte. Gare aux patrons trop curieux, qui s’exposent à un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende
Une surveillance sous conditions
Mais votre employeur peut aller plus loin et introduire de nouveaux moyens de surveillance s’il juge cela nécessaire. S’il peut ainsi tout à fait vous imposer une webcam, le partage de votre écran et parfois même la géolocalisation de votre véhicule professionnel, votre patron n’a pas tous les droits pour autant : «Cette surveillance doit se faire pendant vos heures de travail, de 9 heures à midi puis de 14 heures à 17 heures par exemple. Il est impensable qu’un employeur instaure un contrôle continu du matin jusqu’au soir», affirme Elodie Cohen-Morvan. Vous devez également pouvoir garder le contrôle sur ces moyens de surveillance, en coupant par exemple votre webcam lors de vos pauses cigarette ou en arrêtant la géolocalisation de votre véhicule si vous vous absentez pour un rendez-vous médical l’après-midi.
Plus rare, la surveillance des appels téléphoniques peut aussi être un moyen pour l’employeur de contrôler votre travail lorsque vous n’êtes pas sur place. «Une pratique qui concerne davantage les métiers d’hôte et d’hôtesse dans l'événementiel et les profils commerciaux, et qui ne peut s’appliquer que sur le téléphone professionnel du salarié», détaille Elodie Cohen-Morvan.Dans tous ces cas de figure, sachez que cette surveillance poussée ne peut pas se faire du jour au lendemain. Votre employeur doit au préalable en informer expressément votre CSE (comité social et économique), qui se prononcera en faveur, ou non, du dispositif de surveillance. «Mais cet avis est purement consultatif, il n’empêchera donc pas l’employeur d’installer ces mesures de contrôle», met en garde l’avocate. Autre condition à respecter par votre employeur : en informer chaque salarié de manière individuelle. «Une simple note de service ou un mail groupé ne suffit pas», précise-t-elle.
L’employeur sanctionné en cas de surveillance excessive
Ainsi, si votre employeur n’a jamais porté à votre connaissance la mise en place d’un de ces dispositifs, soyez rassuré : il n’a pas prévu de vous fliquer pendant votre télétravail… A moins qu’il ne décide de le faire en dehors du cadre légal. Un pari risqué, selon Elodie Cohen-Morvan : «L’employeur frauduleux s’expose à une demande de dommages et intérêts de la part du salarié, et une amende de la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés, NDLR) proportionnelle à la taille de son entreprise, qui peut aller de 10 000 à plusieurs dizaines de millions d’euros», chiffre-t-elle. A titre d’exemple, en décembre 2023, Amazon France Logistique a écopé d’une amende de 32 millions d’euros pour avoir mis en place un système de surveillance de ses salariés particulièrement intrusif. «Mais ces litiges liés à une surveillance excessive restent rares, les employeurs faisant généralement preuve de bonne foi», rassure l’avocate.