Travail temporaire : tous les secteurs économiques gardent le pied sur le frein

Publié le 02 septembre 2024


 

Avec un recul de 4,1 % en juin dernier par rapport à juin 2023, le travail temporaire enregistre une érosion plus qu'un décrochage. Mais la baisse est de 6,7 % sur le premier semestre 2024 et fait suite à une diminution déjà de 3,7 % sur l'année 2023, année marquée par un retournement du marché.

 

Il n'y a pas eu d'effet réellement dynamisant des JO sur le travail temporaire car les besoins de renforts n'ont pas concerné de secteurs très utilisateurs d'intérimaires. (Marta Nascimento/REA)On a coutume de dire que la santé de l'intérim est un indicateur avancé de la situation de l'emploi. Mais cette fois, le travail temporaire se trouve dans le brouillard autant que le reste de l'économie, suspendu aux mesures qui seront prises au niveau de l'Etat dans les mois qui viennent. « Les chefs d'entreprise sont dans une incertitude majeure et il nous est très difficile encore d'analyser la situation à venir », reconnaît Isabelle Eynaud-Chevalier, déléguée générale de Prism'Emploi, l'organisation professionnelle qui représente plus de 600 enseignes et 90 % du chiffre d'affaires du secteur.

Par contre, dans le rétroviseur, les signaux sont clairs : l'activité a continué ces derniers mois sa décroissance. Les données communiquées pour juin - les derniers disponibles - ne sont certes en apparence pas alarmantes. L'emploi intérimaire (contrats de travail temporaires et CDI intérimaires) représente 796.140 équivalents temps plein (ETP), soit environ 34.000 ETP de moins qu'en juin 2023, correspondant à une baisse de 4,1 % sur un an. La dégradation apparaît moins marquée qu'en mai 2024 par rapport à mai 2023 (-8,4 %).

Juillet et août même tendance

« Il s'agit davantage d'une érosion que d'un décrochage, d'autant que nous n'anticipons pas d'inflexion majeure en juillet et août par rapport à juin. Mais la prudence est de mise. L'impact de la dissolution , qui a mis un coup d'arrêt aux recrutements et aux investissements, reste difficile à évaluer. D'ailleurs au travers des prestations de 'recrutement pour compte d'autrui' réalisées par nos adhérents - soit 100.000 CDI et CDD par an - on voit à quel point nos clients retiennent leur souffle », poursuit Isabelle Eynaud-Chevalier.

En dépit d'un niveau de défaillances d'entreprises élevé, la déléguée générale ne constate pas encore trop d'annonces de plans de restructuration. Mais le contexte est particulièrement complexe si on y ajoute les risques géopolitiques mondiaux et le caractère anxiogène des élections américaines, reconnaît-elle. Et cela n'a pas été compensé par un effet réellement dynamisant des JO sur le travail temporaire car les besoins de renforts n'ont pas concerné de secteurs très utilisateurs d'intérimaires, que ce soit les hôtels-cafés-restaurants, la sécurité privée ou la propreté, d'autant que la compétition a mobilisé beaucoup de bénévoles. Seuls les transports et la logistique ont pu en profiter, à la marge.

Tous les secteurs concernés

Inquiétant également, les statistiques de Prism'Emploi par secteurs sont toutes orientées à la baisse. Avec -7,7 % en juin 2024 par rapport à juin 2023, c'est dans l'industrie, pénalisée par la conjoncture automobile , que l'intérim diminue le plus. Le recul dans le BTP se limite à 3,8 % mais il fait suite à une chute de 12,1 % en mai. De même la baisse dans le commerce est réduite à -3,1 % mais avait déjà enregistré un -8,7 % en juin 2023 par rapport à 2022. Les transports-logistique et services se démarquent toutefois, avec un niveau d'emploi intérimaire quasiment identique à juin 2023.

Le recul de l'intérim concerne également toutes les qualifications. Sans surprise, il est moins fort pour les métiers du tertiaire qu'il s'agisse des cadres et professions intermédiaires (-3 %), ou des employés (-1,6 %) que pour les ouvriers, qualifiés (-3,8 %) et non qualifiés (-5,7 %).

Quasiment toute la France dans le rouge

De la même manière toute la carte de France est dans le rouge (de -7,1 % pour la Normandie à - 1,9 % pour l'Ile-de-France) à l'exception de Paca en vert (+4,5 %) et de l'Occitanie stationnaire grâce à l'aéronautique toulousaine.

Pour Isabelle Eynaud-Chevalier, nul doute que le second semestre 2024 pour l'intérim va « devoir être interprété avec beaucoup d'acuité » après une baisse globale de 6,7 % au premier semestre, « contenue mais significative », et une diminution déjà de 3,7 % en 2023 comparé à 2022, allant en s'accentuant tout au long de l'année.

« Les événements sportifs de l'été ont généré un rebond spécifique dont l'effet sera sans doute limité et le marché risque d'être moins favorable les prochains mois », analyse pour sa part Benoît Derigny, directeur général de Manpower France, tout en nuançant : « nous vivons pour plusieurs années encore dans une pénurie durable de talents , en raison des transformations démographiques, sociétales, écologiques et technologiques du marché du travail ; il y a donc de nombreuses opportunités à la fois pour les entreprises et les salariés ».

« Le propre du travail temporaire, c'est l'agilité. Actuellement tout est figé mais tout peut évoluer rapidement. Cela fait partie des risques du métier. L'humilité qui nous caractérise doit être plus que jamais à l'ordre du jour », commente encore la déléguée générale. Pour autant, cela n'a pas d'incidence sur la consolidation du secteur, du moins de la part des trois majors, Adecco, Randstad et Manpower, dont l'emprise sur le territoire a plutôt tendance à se réduire. Ce sont davantage les établissements de taille intermédiaire qui cherchent encore à croître

source : lesechos.fr