Le Conseil d’État a récemment tranché, allant dans le sens de nombreuses fédérations de médecins. Les arrêts maladie pour burn-out pouvaient jusqu'alors être contestés par les employeurs et faire craindre une sanction disciplinaire aux prescripteurs. Ils sont désormais considérés comme légitimes.La décision du Conseil d'Etat a soulagé les médecins, qui s'en félicitent même. Dans un arrêt publié le 28 mai dernier, la plus haute juridiction administrative a confirmé l’annulation d’une décision de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, datée de 2022, qui avait sanctionné une généraliste pour avoir prescrit un arrêt de travail au motif de "burn out".
La décision du Conseil d'Etat pourrait ainsi désormais faire jurisprudence, tandis que jusqu'alors les employeurs avaient la possibilité de contester le motif du burn-out, jusqu'à attaquer en justice les prescripteurs. En effet, le Code de la Santé Publique interdit tout certificat médical "tendancieux" ou "de complaisance". Ces derniers font référence à des congés maladie prescrits de manière abusive, sans réelles justifications médicales.
Aussi, certains employeurs ont accusé les médecins, qui constataient l'existence d'un syndrome d'épuisement professionnel, d'émettre ce genre de certificat. Or, le Conseil d'Etat considère que cette seule mention ne constitue pas une faute déontologique de la part du médecin qui l’établit. Cette position acte de fait que les arrêts maladie prescrits pour burn-out ne sauraient être considérés comme des "certificats de complaisance".
"Ils ne s'inventent pas des pathologies"
"Il est fréquent que l'on reproche aux médecins les arrêts pour burn-out, note Aurore Baudoin-Haloche, qui exerce à Marseille. On estime que les docteurs n'ont pas le droit de faire un lien de cause à effet, n'étant pas sur place, sur le lieu de travail. Pourtant ce motif est récurrent, et même de plus en plus, constate la professionnelle de santé. Certains vivent mal la pression, des professions y sont plus exposées. C'est important que ce mal soit reconnu. On voit des patients être détruits du burn-out, qui peut résulter de harcèlement, ou de surmenage. Avoir la reconnaissance de son mal aide à se reconstruire, c'est leur dire qu'ils ne s'inventent pas des pathologies."L'occasion de rappeler que le burn-out est reconnu comme une maladie par l’Organisation mondiale de la santé depuis 2019. L'OMS le définit "comme un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail". De son côté, la Haute Autorité de Santé (HAS), le caractérise par un "épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel".
Une bataille judiciaire
La décision du Conseil d'Etat intervient après qu'en 2017, une médecin a délivré à un patient "un avis de prolongation d'arrêt de travail qui portait la mention 'burn-out'", rapporte l'arrêt. "Le 19 août 2019, la société du salarié en arrêt a porté plainte contre la médecin devant les instances disciplinaires de l'ordre des médecins au motif qu'elle aurait méconnu l'obligation déontologique", indique le document. La médecin s'est pourvue en cassation contre la décision du 22 septembre 2022 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a rejeté son appel formé contre la décision du 9 octobre 2020 par laquelle la chambre disciplinaire de première instance du Grand Est de l'ordre des médecins lui a infligé la sanction de l'avertissement."Le Conseil d'Etat a estimé que les faits ne sauraient "caractériser l'établissement d'un certificat tendancieux ou de complaisance (...), la chambre disciplinaire nationale a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. La médecin est fondée à demander l'annulation de la décision du 22 septembre 2022 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins qu'elle attaque."
source : www.laprovence.com